COVID-19: quand la maladie dépasse le stade respiratoire

Si les symptômes classiques du COVID-19 sont respiratoires et de type grippal, l’actualité récente a clairement laissé sous-entendre que d’autres systèmes peuvent être atteints de manière significative et (relativement) pathognomonique. Qu’en est-il aujourd’hui?

Dans la mesure où l’épithélium intestinal est truffé de récepteurs ACE2 permettant la pénétration et la multiplication du virus, il semble logique que le système digestif soit atteint. Ce qui a justifié la publication d’une étude réalisée à Hong Kong assortie d’une méta-analyse de 60 études portant sur 4243 patients atteints de COVID-19 et la prévalence des symptômes gastro-intestinaux (1). Si les auteurs signalent que ces signes peuvent être avant-coureurs de la maladie, surtout chez les personnes âgées, ils ont pu établir aussi que ces symptômes arrivent chez 17,6% des patients au total, plus fréquemment chez les patients sévèrement atteints que dans les cas modérés, et de manière équivalente dans tous les sous-groupes (adultes, enfants, femmes enceintes). Mais ils relèvent aussi que les échantillons de selles sont restés positifs chez 48,1% des patients, dont 70,3% après perte de positivité pour le virus respiratoire (Figure 1). Les principaux symptômes digestifs ont été l’anorexie pour 27% des patients, la diarrhée pour 12 %, des nausées et vomissements pour 10% et des douleurs abdominales pour 10%.

Figure 1: Symptômes gastro-intestinaux et positivité du virus SRAS-CoV-2 dans les selles

Peau, nez et goût…
En dermatologie, c’est un article italien qui a attiré l’attention. Dans ce papier (2), Sebastiano Recalcati, dermatologue à Lecco alerte la communauté scientifique sur la fréquence de symptômes dermatologiques chez les patients avec COVID-19. Dans son expérience, 20,4% des patients positifs avaient des symptômes dermatologiques présents dans 8 cas au début de la maladie, et 10cas  après l’hospitalisation. Il s’agissait essentiellement de rash érythémateux, mais certains ont présenté des urticaires et un patient une éruption vésiculeuse. Dans le même temps, les dermatologues français faisaient état sur le site de la Société Française de Dermatologie de manifestations cutanées, de type engelure ou de rougeurs persistantes douloureuses acrosyndromiques (Figure 2), associées à une infection COVID-19.

Figure 2: Acrosyndrome

Côté ORL, le site de l’Université de Mons, fait état d’une étude coordonnée par les Pr Jérôme Lechien et Sven Saussez, et réalisée par 33 médecins ORL et chercheurs appartenant à 12 hôpitaux européens auprès de 417 patients présentant une forme non-sévère d’infection prouvée à COVID-19 (3). Dans cette étude, les symptômes ORL les plus fréquents ont été les douleurs faciales et l’obstruction nasale, tandis que 86% des patients infectés ont présenté des troubles de l’odorat et 88% des troubles du goût. Ces troubles de l’odorat sont survenus dans 12% des cas avant l’apparition des symptômes généraux et ORL, 65% pendant et 23% après. Dans 20% des cas, l’anosmie n’est pas associée à des symptômes ORL. Enfin, 44% ont récupéré après 15 jours.

Cœur, coagulation et reins
Côté cœur, un article de revue rappelle que 8-12% des patients présentent un taux de troponine élevé, que 12 à 52% développent une insuffisance cardiaque (à une fréquence variant en fonction de la sévérité de l’atteinte) et 8,9% à 44,4% (selon la sévérité du COVID-19) une arythmie (4). Enfin, il semblerait que la polémique autour du risque potentiel des sartans et des IEC soit éteinte à travers cet article de revue qui souligne au contraire le bénéfice pour les hypertendus de continuer ce traitement (5).

Plusieurs articles ont signalé par ailleurs la fréquence des coagulopathies, principalement dans les cas sévères. Chez ces patients, thrombocytopénie, taux de D-dimères et de produits dégradation de la fibrine élevés, prolongation du PTT sont la règle chez 71,6% des patients qui sont décédés, alors que ces anomalies ne se rencontrent que chez 0,6% des survivants (6).

Enfin, si la responsabilité des récepteurs ACE2 n’est pas encore établie de manière formelle sur le risque rénal, il semble plus intéressant de se focaliser sur l’analyse d’urines plutôt que sur l’urémie et la créatininémie pour établir le risque. On retrouve en effet une protéinurie chez 43,9% des patients et de l’hématurie chez 26,7% des patients. Les auteurs ont constaté par ailleurs que 5,1% développaient une insuffisance rénale aiguë (7).

> Retrouvez cette Revue de presse scientifique du Dr Bouilliez sur MedFlix #4

    1. Cheung K, et al. Gastrointestinal Manifestations of SARS-CoV-2 Infection and Virus Load in Fecal Samples from the Hong Kong Cohort and Systematic Review and Meta-analysis [published online ahead of print, 2020 Apr 3]. Gastroenterology. 2020;S0016-5085(20)30448-0.
    2. Recalcati S. Cutaneous manifestations in COVID-19: a first perspective [published online ahead of print, 2020 Mar 26]. J Eur Acad Dermatol Venereol. 2020;10.1111/jdv.16387.
    3. https://web.umons.ac.be/fr/covid-19-lumons-lance-une-etude-sur-la-perte-dodorat-et-de-gout/
    4. Bansal M. Cardiovascular disease and COVID-19 [published online ahead of print, 2020 Mar 25]. Diabetes Metab Syndr. 2020;14(3):247–250.
    5. South AM, Diz DI, Chappell MC. COVID-19, ACE2, and the cardiovascular consequences. Am J Physiol Heart Circ Physiol. 2020;318(5):H1084–H1090.
    6. Tang N, Li D, Wang X, Sun Z. Abnormal coagulation parameters are associated with poor prognosis in patients with novel coronavirus pneumonia. J Thromb Haemost. 2020;18(4):844–847.
    7. Perico L, Benigni A, Remuzzi G. Should COVID-19 Concern Nephrologists? Why and to What Extent? The Emerging Impasse of Angiotensin Blockade [published online ahead of print, 2020 Mar 23]. Nephron. 2020;1–9.

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